Veterans Administration Hospital, Menlo Park, Californie – 1953.

Jay Haley, qui a récemment rejoint la petite équipe du projet sur « l’étude de l’effet des paradoxes dans la communication » dirigé par l’anthropologue Gregory Bateson, vient d’apprendre qu’un séminaire de week-end sur l’hypnose thérapeutique va prochainement avoir lieu à San Francisco. Il se dit qu’en savoir un peu plus sur ce sujet pourrait l’aider à mieux comprendre les effets pragmatiques des paradoxes, ce pourquoi il demande à Bateson si ce dernier serait d’accord de le laisser y participer. Bateson lui demande :

– Qui anime ce séminaire ?

– Un certain Milton Erickson.

– Hmmm… ok, je vais l’appeler !

A la grande stupéfaction de Haley, qui ignore que les deux hommes se connaissent, Gregory Bateson décroche son téléphone et appelle Erickson :

« Bonjour Milton, comment vas-tu ? Un de mes assistants aimerait suivre le séminaire que tu animes à San Francisco dans quelques semaines, serais-tu d’accord qu’il y participe ? »

Ayant obtenu l’accord d’Erickson, Bateson raccroche et dit à Haley, l’air contrarié :

« Cet homme va me manipuler pour que j’aille dîner à San Francisco avec lui… »

Haley, qui s’intéresse beaucoup à la question de la manipulation, lui demande : 

« Ah, qu’est-ce qu’il t’a dit ? »

Et Bateson de répondre : 

« Il m’a dit : pourquoi ne viendrais-tu pas à San Francisco dîner avec moi ? »

Cette anecdote, relatée par Haley bien des années plus tard1, en dit long sur la méfiance qu’éprouvait Bateson vis-à-vis du pouvoir d’influence de son ami psychiatre Milton H. Erickson, qu’il appelait le « Mozart de la communication ». Dans cet article, nous nous proposons d’examiner les divers liens, les divers points de contact entre Erickson et celles et ceux que l’on a appelé les membres de « l’École de Palo Alto ».

Milton H. Erickson – démonstration d’hypnose

C’est en 1940 qu’a lieu la première rencontre entre Milton H. Erickson et le couple d’anthropologues Gregory Bateson et Margaret Mead. Cette rencontre s’inscrit dans un contexte où ils se sont tous les trois engagés à aider le gouvernement des États-Unis dans le cadre de l’effort de guerre. Erickson mène à l’époque des recherches sur la structure de la personnalité japonaise et sur les effets de la propagande nazie, sujet qui intéresse également beaucoup Bateson.

Mais si le couple Bateson-Mead sollicite une rencontre avec Erickson, c’est pour le consulter à propos des phénomènes de transe qu’ils ont pu observer dans leur travail de terrain à Bali. A cette époque, Erickson est déjà l’une des principales figures de l’hypnose aux États-Unis. Depuis ses premières recherches menées à l’Université du Wisconsin en 1923, il a notamment développé diverses approches d’induction hypnotique permissive et indirecte, grâce auxquelles le praticien peut s’adapter aux différences individuelles entre les sujets. C’est en 1937 que le neurologue psychanalyste Lawrence S. Kubie, membre influent de l’Institut psychanalytique de New-York, a été le premier à contribuer à rendre le travail d’Erickson « respectable », notamment en co-signant avec lui plusieurs articles dans la prestigieuse revue Psychoanalytic Quarterly. C’est d’ailleurs en lisant ces articles, qui furent probablement intégralement écrits par Erickson, que Don D. Jackson, alors jeune étudiant en médecine, commença à s’intéresser à l’hypnose. Se remémorant cette époque, Margaret Mead reste marquée par l’un des traits les plus caractéristiques d’Erickson :

« Milton Erickson ne résolvait jamais un problème d’une manière qu’il avait déjà utilisée s’il pouvait en trouver une nouvelle – et généralement il le pouvait. »2

Il est vrai qu’Erickson se méfiait des protocoles et des techniques standards, ce qui avait aussi pour conséquence de rendre difficile la transmission de ses méthodes. Pour lui, il n’y avait de thérapie que si le thérapeute réussissait à « découvrir ce qui convenait à cette personne particulière, à ce moment particulier ».

Une deuxième rencontre entre Erickson et le couple Bateson-Mead a lieu le 13 mai 1942, à l’occasion d’une conférence de deux jours qui se tient à l’hôtel Beekman de New York et porte sur la question de « l’inhibition cérébrale ». La conférence, organisée par le directeur médical de la fondation Macy, Frank Fremont-Smith, est principalement consacrée à l’hypnose et aux réflexes conditionnés. Parmi les participants figurent notamment le neuropsychiatre Warren McCulloch, le neurophysiologiste Arturo Rosenblueth, ainsi que les anthropologues Mead et Bateson, qui ont été conviés à la conférence par leur ami Larry Franck. Erickson a quant à lui été invité à participer à la réunion par Kubie. Lors de cette rencontre, la majorité des discussions sont menées par Erickson et par le behavioriste Howard Liddell, spécialiste du conditionnement des mammifères. C’est également à l’occasion de cette conférence que Bateson a ses premiers contacts avec certains des pères fondateurs de la cybernétique.

En 1948, suivant le conseil de ses médecins d’aller vivre dans un endroit désertique en raison de ses nombreuses allergies, Erickson s’installe à Phoenix, en Arizona. En 1949, avec l’obstétricien William Kroger et le psychologue André Weitzenhoffer, il contribue à la création de la Société pour l’Hypnose clinique et expérimentale. Pendant presque un an, au début des années cinquante, Erickson et Aldous Huxley consacrent beaucoup de temps à préparer une étude commune sur les différents états de conscience. Leur projet prend fin lorsqu’un incendie de broussailles détruit la maison de Huxley à Los Angeles et leurs carnets respectifs pour cette étude. Certaines des notes d’Erickson purent néanmoins être préservées et furent publiées plusieurs années plus tard.

C’est en 1953 qu’a lieu l’appel téléphonique de Bateson à Erickson mentionné en début de cet article. Deux ans plus tard, le 24 mai 1955, Gregory Bateson écrit à Erickson :

« Cher Milton, Je t’écris parce qu’après bien des péripéties mon projet de recherche semble avoir atteint une position théorique qui nous permet de connaître les questions que nous souhaiterions te poser à propos de l’hypnose. Deux des membres de mon équipe, Jay Haley et John Weakland, ont fait quelques petites expériences avec l’hypnose depuis que Jay a suivi ton séminaire de San Francisco. Il devient plus évident qu’une meilleure connaissance de l’hypnose nous permettrait d’avancer dans notre travail. »3

Erickson se montre intéressé par le projet et, de 1955 à 1960, Jay Haley et John H. Weakland lui rendent visite une à deux fois par an à Phoenix pour une semaine. Ils passent de longues heures à discuter avec lui de la nature de l’hypnose et à l’observer travailler avec ses patients. A cette époque, Erickson exerce la psychothérapie à son domicile de Cypress Street, une modeste maison de briques. Son cabinet est une petite pièce contiguë à la salle à manger. Souffrant de nombreuses et douloureuses séquelles de la poliomyélite ainsi que de multiples troubles sensoriels et perceptifs congénitaux, Erickson n’est néanmoins pas dérangé par l’exiguïté de l’espace. Bien au contraire, il dit aimer travailler suffisamment proche de ses patients pour pouvoir les toucher.

John H. Weakland

La maison d’Erickson sur Cypress Street à Phoenix

Son salon fait office de salle d’attente, dans laquelle circulent librement son épouse Betty, leurs huit enfants (dont trois d’un précédent mariage) et le chien de la famille… Car Erickson ne considère pas qu’il soit nécessaire de se trouver dans un environnement calme et aseptisé pour pratiquer la psychothérapie ou l’hypnose. John H. Weakland raconte l’effet que produisit chez lui la découverte de cette étrange « salle d’attente » :

« J’étais à l’époque en suivi psychanalytique à New-York, suivi dans lequel on ne croisait jamais personne dans la salle d’attente, car on sortait du cabinet par une autre porte et le thérapeute et le patient ne rencontraient jamais leurs familles respectives. Le fait de voir que ses enfants jouaient dans sa salle d’attente en présence de ses patients, dont certains étaient vraiment assez sévèrement perturbés, fut une révélation pour moi ! »1

Un jour, un des patients d’Erickson, après avoir passé un long moment dans la « salle d’attente » en compagnie de deux de ses filles, dit à Betty Erickson : « Jusqu’à aujourd’hui, je n’avais jamais habillé une poupée ! » Selon le témoignage de certains enfants d’Erickson, que l’on peut lire dans l’ouvrage Un guérisseur américain, édité par sa fille Betty Alice et le thérapeute Bradford Keeney, la présence des enfants et ce qu’ils faisaient avec les patients n’était pas complètement aléatoire et pouvait même être le fruit de choix thérapeutiques de la part d’Erickson.

Année après année, Erickson leur raconte plus d’une centaine de cas cliniques, dans lesquels il a fait usage d’injonctions comportementales, notamment des prescriptions de symptômes et aussi divers types de prescriptions « aversives ». Il leur parle de l’insomniaque à qui il a prescrit de faire le ménage de fond en comble dans son appartement lorsqu’il ne parvient pas à dormir et du journaliste souffrant de crises de panique à qui il a demandé de s’accroupir et de se relever rapidement plusieurs fois à chaque fois qu’il sent venir une crise. Les deux chercheurs sont totalement fascinés par l’efficacité et par la créativité du travail d’Erickson, mais ils ne parviennent pas à comprendre sur quoi reposent ces interventions, qui sont tellement différentes de toutes les approches thérapeutiques qui leur sont familières.

Haley raconte la façon très particulière qu’a Erickson de s’adresser à eux :

« Vous ne pouviez jamais vraiment savoir s’il parlait de vous personnellement, s’il vous parlait d’un cas, parce que ça l’intéressait, ou s’il était en train de vous faire un cours sur la nature de la thérapie… ou les trois à la fois ! »1

Lorsque Weakland et Haley retrouvent les autres membres de l’équipe (Bateson, Jackson et Fry), ils passent des heures à échanger à propos du travail d’Erickson et des liens que l’on peut faire avec leurs propres recherches. Wendel Ray raconte qu’en 1955 l’équipe du projet discute longuement de l’exemple, devenu célèbre, dans lequel, lors d’une démonstration, Erickson dit à un participant « Je peux vous hypnotiser ! » et que ce dernier lui rétorque « Vous ne pouvez pas m’hypnotiser ! » Ce à quoi Erickson répond : « Restez éveillé ! » L’équipe fait le lien entre la structure de cette interaction et ce qu’ils appellent la « double contrainte ». Si la personne désobéit à l’ordre d’Erickson « n’obéissez pas », elle obéit. Si elle obéit à son ordre « n’obéissez pas », elle désobéit. Donc, si elle obéit, elle désobéit, et si elle n’obéit pas, elle obéit… et Don D. Jackson de poser la question :

« Peut-on désobéir à l’ordre « n’obéis pas » ? »4

Milton H. Erickson dans son bureau

Weakland remarque que :

« Erickson prend tout comme un mouvement venant vers lui. Il dit que la résistance est une proposition de jeu ; ce qui veut dire qu’il prend l’aspect positif de tout ce qui se présente et l’utilise pour construire une interaction… »4

Ainsi, quand Haley lui demande pourquoi, lorsqu’il a demandé au couple énurétique de s’agenouiller lorsqu’ils accomplissaient sa prescription d’uriner volontairement ensemble dans leur lit conjugal, Erickson lui répond : « c’étaient des personnes très croyantes et très pratiquantes ! » Ou encore, parmi tant d’autres, la fameuse histoire du patient qui se prend pour Jésus-Christ et à qui Erickson trouve un travail en tant que charpentier sur un projet de construction au sein de l’hôpital…

Le focus de leurs discussions évolue avec le temps, de questions concernant l’hypnose et ses possibles liens avec la schizophrénie, vers une exploration de la façon révolutionnaire qu’a Erickson de pratiquer la thérapie, notamment avec des patients considérés comme « psychotiques ». A l’une de ces patientes, une enseignante qui se dit dérangée par de jeunes hommes qui flottent au-dessus de sa tête pendant qu’elle donne ses cours, il propose de les enfermer dans le placard de son cabinet pour qu’ils ne puissent plus l’importuner de la sorte. Et lorsqu’elle doit quitter la ville et qu’elle lui demande quoi faire si un jour elle doit revivre un épisode psychotique, il lui dit : « c’est très simple, mettez-le dans une enveloppe et envoyez-le-moi par la poste ! » Il reçut plusieurs de ces enveloppes et les garda précieusement pendant des années dans son placard, sachant qu’un jour ou l’autre, la patiente viendrait vérifier qu’il les avait bien conservés, ce qui ne manqua pas d’arriver !

Weakland et Haley sont également frappés par la façon toujours très courtoise et très respectueuse qu’a Erickson d’accepter tout ce que les patients lui amènent, sans jamais chercher à les confronter de façon directe. Ainsi, une de ses patientes l’ayant informé qu’un dangereux piège à ours se trouvait à un endroit bien précis de son cabinet, Erickson prenait grand soin de toujours le contourner à chaque fois que cette patiente était présente.

Après plusieurs années d’observation attentive de son travail, ils se rendent compte qu’Erickson interprète la façon dont une personne entre dans son bureau, la manière qu’elle a de s’asseoir, la posture qu’elle prend, ses gestes, comme autant de messages et d’injonctions qui lui sont adressés personnellement, et non pas comme de simples informations sur la personne elle-même. Cette façon d’orienter son attention fait de lui un des pionniers d’une approche interactionnelle de la thérapie.

Au cours de cette période, Erickson se rend également plusieurs fois à Palo Alto pour rencontrer les autres membres du projet, Gregory Bateson et le psychiatre Donald D. Jackson.

En 1959, Erickson publie avec Weakland et Haley dans le Journal Américain d’Hypnose Clinique, « Transcription d’une induction de transe avec commentaires », un article dans lequel est retranscrite l’une de leurs discussions sur l’hypnose. Il s’agit probablement du tout premier article dans lequel un hypnothérapeute explique, pas à pas, chacune des étapes du processus qu’il construit avec sa patiente.

A cette époque, Erickson est invité deux ou trois fois à donner des formations sur l’hypnose dans le cadre du MRI de Palo Alto. Un jour, alors qu’il est en train de faire une démonstration avec une jeune femme, le petit ami de cette dernière débarque sur les lieux, furieux, demandant en hurlant ce que l’on est en train de faire à sa compagne. Le personnel du MRI empêche le jeune homme en colère de pénétrer dans la salle de formation, mais à la fin de sa démonstration, apprenant ce qui est en train de se passer, Erickson les invite à le laisser entrer et lorsque le jeune homme en colère fait son apparition dans la pièce, il lui dit :

« Je suis très heureux de faire votre connaissance et de voir qu’il reste encore au moins un jeune homme dans ce monde soucieux de protéger sa jeune compagne et de s’assurer qu’il ne lui arrive rien de mal ! »1

John H. Weakland, qui était présent dans la pièce ce jour-là, raconte qu’à ces mots la fureur du jeune homme s’évanouit en un instant.

Il est important de noter que, tout en s’étant beaucoup inspirés son travail et en ayant beaucoup contribué à faire connaître ses talents hors du commun, les membres de l’école de Palo Alto étaient loin de voir Erickson comme une sorte de magicien ou de gourou omnipotent qu’il conviendrait d’élever sur un piédestal. Pour eux, Erickson avait, comme tout être humain, ses défauts, notamment le fait qu’il pouvait être très têtu et aussi le fait qu’il aimait vraiment beaucoup mettre en avant ses propres réussites thérapeutiques. Lorsque certains de ses élèves lui demandaient de leur parler de ses échecs, il s’exécutait volontiers et racontait des situations… qui se finissaient toujours en dernier ressort par un succès éclatant ! Don Jackson, qui s’est, tout au long de sa vie professionnelle, beaucoup intéressé aux travaux d’Erickson, était néanmoins très nerveux en sa présence, ce qui fait qu’il a eu relativement peu de contacts directs avec lui et qu’il a toujours eu du mal à comprendre sa façon de travailler. En 1955, lors d’une séance de travail avec l’équipe du « projet Bateson » à propos d’Erickson, Jackson confie à ses collègues :

« …une des choses qui me tracassent à propos d’Erickson, c’est que je n’arrive pas vraiment à déterminer — et je pense que je ne le pourrai jamais à moins de collaborer avec lui pendant un certain temps — ce qu’il cherche vraiment… »4

Jay Haley continue de rendre visite régulièrement à Erickson jusqu’en 1971, année où Erickson met fin à sa pratique de psychothérapeute. L’année précédente, il a quitté Cypress Street pour s’installer à Hayward Avenue. En 1973, Haley publie Un thérapeute hors du commun, ouvrage qui fait connaître le nom d’Erickson au grand public et qui fait qu’au cours des six dernières années de sa vie, celui qui est devenu le « sage de Phoenix » accueille chez lui de nombreux thérapeutes venus du monde entier pour apprendre avec lui l’hypnose et la thérapie, au cours de séances quotidiennes de quatre à cinq heures. C’est à cette époque qu’Erickson, par l’intermédiaire de Gregory Bateson, rencontre Richard Bandler et John Grinder, les co-fondateurs de la PNL, ainsi que Stephen Gilligan et Robert Dilts.

La fille d’Erickson, Betty Alice, raconte comment, pendant son enfance, elle s’étonne de voir la foule d’étudiants qui se pressent autour de lui et semblent le tenir en si haute estime :

« Ne savaient-ils pas qu’il ne s’agissait que de papa ? Il racontait des histoires rebattues, faisait des farces, aimait le fromage de Limburg qui empeste et insistait pour le mettre au réfrigérateur, où son odeur infecte imprégnait tout ce qui s’y trouvait. Ne savaient-ils pas qu’il se mettait en rage lorsque le chien grimpait sur les meubles et qu’il valait mieux ne pas égarer les nouveaux albums de bandes-dessinées avant qu’il ne les ait lus ? »5

En 1974, l’équipe du Centre de thérapie brève du MRI de Palo Alto publie un article dans lequel ils reconnaissent explicitement l’influence qu’a eu Erickson sur leur travail :

« En ce qui concerne la façon dont le thérapeute peut activement et efficacement influencer le comportement (la stratégie et les techniques de changement), nous devons beaucoup au travail de Milton Erickson sur l’hypnose et à la psychothérapie qui l’accompagne. »6

Ils soulignent deux aspects essentiels du travail d’Erickson qui les a influencés dans le développement de leur approche : le fait qu’il fonde ses méthodes sur des moyens d’influence implicites et indirects et qu’il « fasse avec ce que le client lui offre » et en tire un usage positif, même si ce qui lui est offert par le client est une forme de résistance, voire un état « pathologique ».

Dans l’ouvrage qu’il a consacré à Erickson et que nous avons déjà mentionné dans cet article, Bradford Keeney raconte ce que Gregory Bateson lui déclara lorsqu’il l’interrogea à la fin de sa vie sur l’héritage d’Erickson et sur les nombreux livres qui paraissent déjà à l’époque à son sujet :

« Erickson avait une façon de pénétrer dans un système qui lui permettait de faire partie du « tissage complexe global », plutôt que d’être un ego séparé du système. Cela permettait à son action de s’élever au sein même du tissage et d’être en harmonie avec lui. (…) Les gens qui étudient Erickson amènent avec eux la traditionnelle épistémologie occidentale, celle d’un observateur extérieur opérant sur l’autre, ce qui leur fait croire qu’ils peuvent utiliser « un tas de combines » et avoir du « pouvoir » sur les autres. »5

Bateson et Erickson dans sa maison de Hayward Avenue en 1977

Milton H. Erickson meurt le 25 mars 1980 d’un choc septique, la même année que son ami Gregory Bateson. Le corps d’Erickson est incinéré, et ses cendres sont dispersées sur le mont Squaw Peak, où il envoyait souvent ses patients et ses élèves effectuer des tâches thérapeutiques.

Nous voudrions finir cet article en laissant la parole à John H. Weakland, qui rend compte de son expérience personnelle d’Erickson en tant que thérapeute :

« J’ai été le patient de Milton, seulement pour quelques séances, mais j’avais peur… Et… à ce jour… je ne peux pas dire exactement ce qu’il a fait avec moi. Je peux juste dire qu’un très grand nombre de choses changèrent dans ma vie dans l’année qui suivit. Je suis rentré chez moi et j’ai arrêté ma psychanalyse pour de bon, j’ai décidé de voir ce que je pouvais faire par moi-même. C’est la dernière fois que j’ai fait une thérapie. Et en une année, j’étais allé pour la première fois en Extrême Orient, d’où ma femme est originaire, j’avais subi une importante opération du cœur que j’hésitais jusque-là à entreprendre, et notre premier enfant fut conçu… Vraiment beaucoup de choses se sont passées en une seule année ! Et je ne sais pas vraiment comment… »1

Un article de Guillaume Delannoy

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